Un lieu, une histoire...
L'architecture de l'édifice voulu par Bonaparte en impose !
"Normal, c'était fait exprès ! "
L'architecture de l'édifice voulu par Bonaparte en impose !
"Normal, c'était fait exprès ! "
Désireux de donner à la Bretagne une nouvelle capitale, Bonaparte choisit Pontivy et dote la ville du second lycée de Bretagne, en 1803. La commune offre pour cela l'ancien couvent des Ursulines. La première rentrée a lieu en 1806 et rassemble 30 élèves de l'ouest de la Bretagne. En 1809, ils sont 143.
En 1885, il faut reconstruire et agrandir le lycée, qui accueille 300 élèves (en comptant tous les niveaux, des petites classes, dites aujourd'hui de Primaire, jusqu'au baccalauréat), tout en préservant le style classique de l'ancien couvent. Une autre rénovation d'envergure, et contemporaine, est nécessaire 100 ans plus tard (1985 à 1996), car les locaux, qui abritent dorénavant 500 élèves, sont beaucoup trop exigus. Les travaux sont longs et gênants, puisque les bétonnières tournent même la nuit, empêchant les internes de dormir, mais sont une réussite, parfaitement préservée depuis. Les traces de l'ancienneté du bâtiment sont aujourd'hui nombreuses : façades, retable du 17ème siècle (dernier vestige du couvent d'origine), bibliothèque de plusieurs centaine de livres anciens, appelée "le trésor" (dont une édition originale de l'encyclopédie de Diderot et d'Alembert), salle de cours conservée en l'état du début du 20ème siècle et qui sert chaque jour, cour d'honneur paysagée.
Les premiers élèves sont dans l'ensemble peu fortunés, ce qui explique peut-être l'absence de toute option ou section spéciale, sauf une école professionnelle agricole de 1867 à 1871 et, dans les années 1950, un centre d'apprentissage en menuiserie et ajustage et un cours d'agriculture le jeudi d'octobre à mars.
Néanmoins le lycée peut s'enorgueillir de quelques hôtes célèbres : les élèves Emile Souvestre (renvoyé en 1823 pour ses écrits frondeurs), Ange Guépin, Pierre Cadre, Angelo Hesnard, et le professeur Emile Masson. L'ancien répétiteur Joseph Loth donne son nom au lycée en avril 1944, dans un contexte qui ne permet guère de savoir si le choix repose sur sa spécialité de celtisant ou sa simple renommée scientifique.
Pourtant ce lycée, au fond très rural, n'a pas toujours enchanté ses enseignants. Ainsi, sous Louis-Philippe, le proviseur écrit que Pontivy est "la Sibérie de l'Université [...]environnée d'une population encore demi-civilisée, superstitieuse et ignorante...". Le lieu est souvent vécu comme un exil et dans le monde universitaire on a coutume de dire : "Pontivy, début ou rebut". Encore en 1892, le philosophe Alain ne fait qu'un très bref passage. Au 20ème siècle au contraire, les enseignants semblent très fiers d'enseigner dans "le"lycée, ce qui leur vaut une position de notable. Aujourd'hui le calme des élèves et les conditions de travail agréables savent retenir les professeurs.
Le lycée subit, comme ses semblables de France, les aléas politiques du 19ème siècle et devient successivement lycée impérial, collège royal puis lycée. Les professeurs, soit désapprouvent et sont mutés d'office, soit manifestent un enthousiasme qui frise parfois l'opportunisme. Les proviseurs successifs, eux, ont tous en commun un même amour de l'ordre et de la discipline. Quant aux élèves, leur placidité face aux divers évènements politiques de ce siècle est remarquable : une seule tentative de sortie par la force est vite déjouée et calmée en mars 1848. Ils font montre en revanche, comme partout, d'une indiscipline qui conduit à recourir aux gendarmes, et aussi, d'irréligion. Ce dernier point est peu partagé par les professeurs, qui doivent tous participer aux offices de la chapelle, et ce jusqu'au début du 20ème siècle, peut-être pour échapper aux critiques envers l'école publique : un inspecteur général se félicite encore en 1925 de la hausse des effectifs, "qui n'est pas un mince résultat dans un coin de Bretagne où l'enseignement de l'Etat est violemment attaqué et où l'hostilité se manifeste sous les formes les plus inattendues et les plus variées"...
Les guerres marquent aussi l'établissement, qui déplore 92 morts parmi son personnel ou ses anciens élèves et est transformé en hôpital temporaire durant la Première Guerre mondiale. La Seconde entraîne une externalisation des cours, dans des cafés, chez des particuliers, et l'hébergement des internes dans toute la ville, car l'occupant a réquisitionné le lycée. Mais la proximité immédiate de la campagne limite beaucoup les restrictions alimentaires. Le lycée, totalement miné, échappe de justesse à la destruction en 1944. Il fournit en nombre non négligeable des résistants, dont un élève, Jacques Bruhat, membre des maquis du Centre Bretagne, chargé des transmissions, intervient encore régulièrement au lycée dans le cadre du Concours de la Résistance.
Mai 68 divise la salle des professeurs et change profondément les pratiques, comme ailleurs, avec par exemple des expériences d'autodiscipine pour les internes et le Second cycle, et la disparition des notes remplacées par des appréciations globales de mi-trimestre.
Alors que la première élève entre au lycée en 1925, les filles représentent un tiers des effectifs (classes primaires comprises) 30 ans plus tard, et sont aujourd'hui 60% des quelques 1 000 élèves, y compris les BTS tertiaires. Ces élèves continuent à manifester leur attachement au lycée. Il n'y a plus comme hier d'amicale des anciens mais sur Internet, qui l'a remplacée, ils rappellent les avantages de "ce bon vieux Loth" : son patrimoine, une ambiance bon enfant, des traditions solides, comme le journal du lycée (qui existe régulièrement depuis les années 1930 et a reçu un prix régional) ou le charivari, fête déguisée pour tous. Et peut-être est-ce l'ancienneté des lieux ou leur architecture préservée qui attirent aussi des élèves en option histoire des arts, ou dans le tout nouvel enseignement d'exploration "art et patrimoine", qui n'existe que dans deux lycées publics.
En 1885, il faut reconstruire et agrandir le lycée, qui accueille 300 élèves (en comptant tous les niveaux, des petites classes, dites aujourd'hui de Primaire, jusqu'au baccalauréat), tout en préservant le style classique de l'ancien couvent. Une autre rénovation d'envergure, et contemporaine, est nécessaire 100 ans plus tard (1985 à 1996), car les locaux, qui abritent dorénavant 500 élèves, sont beaucoup trop exigus. Les travaux sont longs et gênants, puisque les bétonnières tournent même la nuit, empêchant les internes de dormir, mais sont une réussite, parfaitement préservée depuis. Les traces de l'ancienneté du bâtiment sont aujourd'hui nombreuses : façades, retable du 17ème siècle (dernier vestige du couvent d'origine), bibliothèque de plusieurs centaine de livres anciens, appelée "le trésor" (dont une édition originale de l'encyclopédie de Diderot et d'Alembert), salle de cours conservée en l'état du début du 20ème siècle et qui sert chaque jour, cour d'honneur paysagée.
Les premiers élèves sont dans l'ensemble peu fortunés, ce qui explique peut-être l'absence de toute option ou section spéciale, sauf une école professionnelle agricole de 1867 à 1871 et, dans les années 1950, un centre d'apprentissage en menuiserie et ajustage et un cours d'agriculture le jeudi d'octobre à mars.
Néanmoins le lycée peut s'enorgueillir de quelques hôtes célèbres : les élèves Emile Souvestre (renvoyé en 1823 pour ses écrits frondeurs), Ange Guépin, Pierre Cadre, Angelo Hesnard, et le professeur Emile Masson. L'ancien répétiteur Joseph Loth donne son nom au lycée en avril 1944, dans un contexte qui ne permet guère de savoir si le choix repose sur sa spécialité de celtisant ou sa simple renommée scientifique.
Pourtant ce lycée, au fond très rural, n'a pas toujours enchanté ses enseignants. Ainsi, sous Louis-Philippe, le proviseur écrit que Pontivy est "la Sibérie de l'Université [...]environnée d'une population encore demi-civilisée, superstitieuse et ignorante...". Le lieu est souvent vécu comme un exil et dans le monde universitaire on a coutume de dire : "Pontivy, début ou rebut". Encore en 1892, le philosophe Alain ne fait qu'un très bref passage. Au 20ème siècle au contraire, les enseignants semblent très fiers d'enseigner dans "le"lycée, ce qui leur vaut une position de notable. Aujourd'hui le calme des élèves et les conditions de travail agréables savent retenir les professeurs.
Le lycée subit, comme ses semblables de France, les aléas politiques du 19ème siècle et devient successivement lycée impérial, collège royal puis lycée. Les professeurs, soit désapprouvent et sont mutés d'office, soit manifestent un enthousiasme qui frise parfois l'opportunisme. Les proviseurs successifs, eux, ont tous en commun un même amour de l'ordre et de la discipline. Quant aux élèves, leur placidité face aux divers évènements politiques de ce siècle est remarquable : une seule tentative de sortie par la force est vite déjouée et calmée en mars 1848. Ils font montre en revanche, comme partout, d'une indiscipline qui conduit à recourir aux gendarmes, et aussi, d'irréligion. Ce dernier point est peu partagé par les professeurs, qui doivent tous participer aux offices de la chapelle, et ce jusqu'au début du 20ème siècle, peut-être pour échapper aux critiques envers l'école publique : un inspecteur général se félicite encore en 1925 de la hausse des effectifs, "qui n'est pas un mince résultat dans un coin de Bretagne où l'enseignement de l'Etat est violemment attaqué et où l'hostilité se manifeste sous les formes les plus inattendues et les plus variées"...
Les guerres marquent aussi l'établissement, qui déplore 92 morts parmi son personnel ou ses anciens élèves et est transformé en hôpital temporaire durant la Première Guerre mondiale. La Seconde entraîne une externalisation des cours, dans des cafés, chez des particuliers, et l'hébergement des internes dans toute la ville, car l'occupant a réquisitionné le lycée. Mais la proximité immédiate de la campagne limite beaucoup les restrictions alimentaires. Le lycée, totalement miné, échappe de justesse à la destruction en 1944. Il fournit en nombre non négligeable des résistants, dont un élève, Jacques Bruhat, membre des maquis du Centre Bretagne, chargé des transmissions, intervient encore régulièrement au lycée dans le cadre du Concours de la Résistance.
Mai 68 divise la salle des professeurs et change profondément les pratiques, comme ailleurs, avec par exemple des expériences d'autodiscipine pour les internes et le Second cycle, et la disparition des notes remplacées par des appréciations globales de mi-trimestre.
Alors que la première élève entre au lycée en 1925, les filles représentent un tiers des effectifs (classes primaires comprises) 30 ans plus tard, et sont aujourd'hui 60% des quelques 1 000 élèves, y compris les BTS tertiaires. Ces élèves continuent à manifester leur attachement au lycée. Il n'y a plus comme hier d'amicale des anciens mais sur Internet, qui l'a remplacée, ils rappellent les avantages de "ce bon vieux Loth" : son patrimoine, une ambiance bon enfant, des traditions solides, comme le journal du lycée (qui existe régulièrement depuis les années 1930 et a reçu un prix régional) ou le charivari, fête déguisée pour tous. Et peut-être est-ce l'ancienneté des lieux ou leur architecture préservée qui attirent aussi des élèves en option histoire des arts, ou dans le tout nouvel enseignement d'exploration "art et patrimoine", qui n'existe que dans deux lycées publics.
Gaëlle Péger, enseignante d'Histoire-géographie
Deux personnages importants :
Joseph Loth, né à Guémené sur Scorff, le 27 décembre 1847 et mort à Paris, le 1er avril 1934, est un linguiste et historien français qui s’est particulièrement intéressé aux langues celtiques, dont le breton.
Après avoir fait ses études à Sainte-Anne-d'Auray, il devient enseignant à Pontivy, puis à Quimper et Saumur jusqu’à la guerre de 1870. À la fin du conflit, il reprend son métier dans des établissements parisiens. C'est à cette époque qu'il fait la connaissance de Henri d'Arbois de Jubainville, qui l'incite à étudier les langues celtiques. En 1883, il est nommé à la faculté des lettres de Rennes, où il enseigne les langues celtiques. Cette même année, il fonde les Annales de Bretagne, revue dans laquelle il publie de nombreux textes et dont il assume la direction jusqu'en 1910. Il est nommé professeur au Collège de France en 1910 et il est élu membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres en 1919.
Après le décès de Joseph Loth, annoncé et commenté dans un élogieux texte nécrologique en tête du fascicule 1-2 du premier trimestre de 1934 de la Revue Celtique, Joseph Vendryes fonda la revue Études celtiques. Son nom a été donné au lycée Joseph Loth à Pontivy.
Stéphane Strowski
Polonais par son père et breton par sa mère, il naît à Mont-de-Marsan. En 1894, il arrive à Pontivy, pour enseigner au lycée Joseph-Loth.
En 1914, âgé de quarante-quatre ans, il s'engage comme simple soldat jusqu'en 1919.
Il est pendant cinquante ans secrétaire et administrateur de la Caisse d'Epargne et, pendant cinquante ans également, chroniqueur à l'Echo de la timbrologie. Il écrit aussi pendant près de soixante ans au journal de Pontivy, où il signe ses chroniques « Le pompier de service ».
Stéphane Strowski est en effet sapeur-pompier volontaire : il gravit les échelons et devient sous-officier, puis sous-lieutenant. Il finira cette vie au service de la communauté comme commandant du corps de Pontivy, avec le grade de capitaine.
Il accède à la retraite d'enseignant en 1936. L'année suivante, âgé de 67 ans, il reprend ses études, et obtient une licence et un doctorat en droit. Il s'inscrit alors au barreau de Pontivy. Il en sera même plus tard le bâtonnier. En 1940, âgé de 70 ans, il redevient pour quatre ans professeur au lycée de Pontivy. Il est officier de la Légion d'Honneur.
Il meurt le 11 juin 1954.